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Pollution du site Wipelec : peur sur Romainville
Une nouvelle dépollution va débuter sur le site industriel abandonné par Wipelec en 2008. Les riverains s’inquiètent des conditions du chantier. La municipalité, elle, se dit décidée à «porter le fer contre le pollueur».

 

« Polluland. Devenez propriétaire. Développez votre cancer en toute tranquillité grâce au bio benzène et au trichlo label rouge. » Au plus fort de la mobilisation, une immense affiche parodiant les publicités des promoteurs trônait au cœur du quartier des Ormes à Romainville (Seine-Saint-Denis). Quatre ans plus tard, les panneaux et drapeaux de protestation ont disparu des fenêtres mais beaucoup d'habitants n'en pensent pas moins. Et une bonne dose de pollution aux solvants chlorés sommeille toujours dans la terre de ce quartier de petits pavillons dépareillés, à la frontière avec Montreuil.

Après plusieurs mois de calme relatif, le quartier vit à nouveau au rythme des ouvriers déployés sur et autour de la vaste friche qui supportait autrefois les hangars exploités par Wipelec. Cette PME, spécialisée dans la découpe des métaux par voie chimique et dans le traitement de surfaces pour l'industrie aéronautique et de la défense, a plié bagage en 2008, laissant derrière elle un héritage empoisonné : sur le site, cinq tonnes de terres et, dans les environs, des pavillons et des jardins, tous surpollués au benzène et au trichloréthylène. Des substances aux effets cancérogènes, même en cas de faible exposition selon les données de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).

 

En 2017 et 2018, une première phase de travaux menée en milieu confiné par le propriétaire Gingko a permis de dépolluer la majorité du site. Reste encore à déterrer 300 à 500 kg de terres polluées. C'est l'entreprise qui s'annonce pour les mois à venir, d'autant plus ardue qu'elle devra se faire cette fois à l'air libre, et non sous tente, à cause de la configuration du terrain. Cette étape doit démarrer début février, afin de préparer la construction d' un immeuble de 100 logements, dont la livraison est prévue au premier trimestre 2023.

Menés par le promoteur Alios développement — qui dit avoir déjà vendu 70 % des futurs appartements —, ces travaux sont encadrés par un arrêté municipal. Mais tous les acteurs sont sous tension : la dépollution menée en 2017 avait généré des hausses de pollution dans les maisons environnantes, malgré les mesures prises (installation de ventilation par exemple). Une voisine immédiate du site avait même été fortement incitée par les services de l'Etat à quitter son logement durant trente mois, le temps de revenir à des niveaux plus bas de pollution.

 

«Nous, on n'aura pas de masque à oxygène et tout le bazar»

« On n'est pas rassurés, résume Sébastien Tirloir, président de l'association Romainville Sud. D'autant plus que les seuils d'exposition au trichloréthylène ont été relevés. Ça permet au promoteur de polluer l'atmosphère à des seuils inimaginables. C'est inacceptable de polluer comme ça des gens qui l'ont déjà été toute leur vie. Nous, on n'aura pas de masque à oxygène et tout le bazar. »

« Il y a une appréhension légitime dans le quartier, je peux le comprendre », répond Olivier Raoux, président d'Alios développement. Selon lui, l'entreprise, la préfecture et la mairie ont fait le maximum pour protéger les ouvriers et les riverains. « Si on dépasse le fameux seuil (NDLR : d'exposition au trichloréthylène), il y aura bâchage de la terre et on arrêtera le chantier. Mais sans parler du seuil, le préfet a souhaité bien encadrer la méthodologie. »

Le maire (DVG) de Romainville, François Dechy, élu en juin dernier, a signé l'arrêté autorisant les travaux fin décembre. Il a aussi mandaté un bureau d'études indépendant, Solpol, pour qu'il se penche sur les conditions de cette dépollution. « Je pars du principe que notre Etat fonctionne bien, précise d'abord l'élu. Mais il y a des choses dans ce dossier qui nous interpellent et les riverains nous ont sollicités. Comme je ne suis pas en capacité de me prononcer, on a externalisé et on attend les conclusions du cabinet. »

Désindustrialisation et pollution, «la double peine» de la banlieue

François Dechy a aussi effectué un signalement au procureur de la République sur la base de l'article 40 du code de procédure pénale, selon lequel toute autorité ayant connaissance d'un crime ou d'un délit est tenue d'en avertir la justice. Il étudie également la possibilité de s'associer à la plainte pour « mise en danger de la vie d'autrui » déposée par plus de 30 riverains début 2018. Toutes ces démarches visent sans ambiguïté les anciens exploitants du site. « L'article 40, c'est la première étape, précise le maire. On veut porter le fer contre le pollueur. Parce qu'il a pollué des Romainvillois et parce que les investigations disent qu'il a aussi pollué la ville. »

Qu'en sera-t-il pour les habitants qui s'installeront dans l'immeuble construit sur la friche industrielle ? « Je me bats pour les habitants sur place et pour ceux du futur, assure Sébastien Tirloir. On ne se bat pas contre le projet immobilier. Si on a des garanties que ce n'est pas pollué, alors bienvenue à Romainville ! » Le président de l'association rapporte tout de même un détail qui l'inquiète : « Quand on a vu passer le permis de construire en 2018 où il est écrit qu'il restera de la pollution résiduelle après les travaux, on s'est dit que c'était loin d'être terminé. » Le permis indique en effet que « des interrogations subsistent sur les teneurs réelles qui pourront encore être présentes à l'issue du creusement du parking. »

Le directeur d'Alios Développement se dit confiant : « A la fin du chantier, toutes les sources de pollution auront disparu. » Quant aux futurs acquéreurs, ils sont informés du « contexte » du site : « Pour le coup, c'est réglementaire. » L'entreprise a déboursé quatre millions d'euros pour cette dépollution.

« Il faut de l'investissement public pour gérer la reconversion de ces sites, pour y créer des structures économiques pourvoyeuses d'emploi, et pas uniquement miser sur la densification pour financer la dépollution, commente le maire François Dechy. Ces territoires ont été victimes de la désindustrialisation et maintenant, ils souffrent de la pollution. C'est la double peine. »

Tag(s) : #Quartier des Ormes - Parcelle Wipelec-Ginkgo
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